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Le grand clash de lundi entre Andy Murray et Stefanos Tsitsipas, consécutif aux longues pauses prises par ce dernier lors de leur confrontation du premier tour (victoire du Grec en cinq sets), ont relancé le débat sur les us et coutumes de ces tristement célèbres « toilet break » réglementaires, certes, mais flirtant avec les limites. Membre du conseil des joueurs, Gilles Simon sait que les débats vont être animés sur le sujet. Pourquoi ne pas instaurer, dit-il, une pause possible, mais uniquement à la fin des deuxième et quatrième sets (pour les rencontres en cinq), quel que soit celui qui a pris l'avantage, pour éviter les arrêts d'aubaine ? Mais pour le Français, ce sont surtout les règles drastiques visant à accélérer le jeu qu'il faut revoir afin d'éviter certains débordements.


« On parle beaucoup des pauses toilettes à rallonge en ce moment...

Ce qui est très intéressant, c'est que les premiers à avoir abusé de cette règle-là, c'est la nouvelle génération, avec la soupape : je vais pisser quand je perds un set... Quand je les ai joués, je l'ai dit directement, notamment contre Shapovalov, qui sortait quand il perdait une manche contre moi. Sinner et Medvedev me l'ont fait aussi. Et ça s'est cristallisé quand Novak (Djokovic) l'a fait à Roland cette année. Il ne le faisait pas forcément avant, il avait plus tendance à appeler le kiné. Et Novak, ce n'est pas rien dans les discussions. Mais on peut se demander soudainement pourquoi tout le monde l'utilise...

Et ?

Ce phénomène s'est accentué en parallèle du temps qui n'est plus donné, désormais, aux joueurs pendant le match, entre les points et aux changements de côté. J'y vois un lien très fort. On n'a pas le temps de reprendre nos esprits. Les joueurs se sentent oppressés. C'est fou le stress que tu peux avoir avec le temps, désormais. Tu as l'impression que ça va vite. À un moment, que font certains joueurs pour calmer les choses si ça se passe mal ? Ils prennent dix minutes, ils ont le sentiment d'être au moins peinards un moment. Et pourquoi ce sont les jeunes qui le font le plus ? Parce qu'ils ont grandi avec ces nouvelles règles qui font que, aujourd'hui, quand tu es à 26 secondes (entre deux points, la règle étant de 25 au maximum), tu as l'arbitre qui te met un warning. Avant, quand à un moment ça n'allait pas trop pour eux, Novak et Rafa, c'était dans le jeu qu'ils mettaient plus de temps avant de servir. Aujourd'hui, quand ça ne va pas, la seule solution c'est de se dire "je me casse", car tu joues en mode robot.

Vous pensez qu'on est allés trop loin dans cette optique de vouloir accélérer le jeu ?

Bien trop loin, oui. Au changement de côté, on est passé à une minute. Même là, tu n'as plus le temps de souffler, de réfléchir. Et c'est une minute à l'annonce du score, donc 40 secondes quand tu arrives à la chaise. Tu es en train de faire un intermittent, en fait. C'est trop violent. Il faut laisser 1'30''. Quant aux 25 secondes entre les points, ça a toujours été comme ça. Mais il faut en finir avec la shot-clock (l'horloge qui fait le décompte sur le court). Je suis formellement contre. Dans l'historique de sa mise en place, et j'étais au conseil des joueurs quand cela avait été voté, on avait dit qu'il y avait des matches où Rafa et Novak, qui étaient les plus visés, exagéraient vraiment puisqu'il leur arrivait de prendre 1'30'' avant de servir. Et on a eu un laps de temps pendant lequel les arbitres pouvaient appliquer la règle à discrétion, puisque eux seuls avaient la maîtrise du chrono, personne d'autre ne pouvait le voir. Ils avaient leur indépendance de jugement en fonction de tel ou tel fait de jeu qui pouvait impacter un dépassement de temps. Mais tout d'un coup, l'US Open a institué cette shot-clock et là, le temps est devenu visible aux yeux de tous. Et l'arbitre en a été prisonnier. Quand l'horloge tombe à 0, warning ! Et on en arrive à un fonctionnement bête et méchant. La shot-clock a complètement flingué le bon déroulement des matches avec ce fonctionnement extrême. Alors que personne ne la regarde, cette horloge. On a cru que ça allait faire du show. Mais les fans s'en foutent, ça met du stress sur les joueurs et ça n'accélère pas le jeu, avec des joueurs qui finissent par se barrer dix minutes.


Et les arbitres dans tout ça ?

J'en veux beaucoup aux arbitres en ce moment car ils ne font pas leur travail de tenue de match. On a des robots sur la chaise. Il n'y a plus aucun bon sens, c'est dérangeant. Avec le live Hawk-Eye (le système d'arbitrage informatisé qui a conduit à la disparition totale des juges de ligne pour cet US Open), ils n'ont même plus les annonces à faire, il ne leur reste plus que ce qu'il y a à côté, et contrôler le temps. Leur grande fonction, c'est de gérer le temps, et de te mettre un warning à 26 secondes. Terrible. Ils n'ont plus à regarder les balles, ils regardent tout ce qui se passe autour. Et hop, warning ! Ce n'est pas ça, leur travail. Au moins, redonnons-leur une certaine liberté en renonçant à la shot-clock. Et s'ils ne sanctionnent pas un joueur pour dépassement de temps, ça deviendra un fait de jeu, comme un hors-jeu non sifflé en foot.


Et vous, comment vivez-vous la situation ?

Contre Shapovalov, à Roland, je prends un warning parce qu'une fois je sers à 26'', mais par contre, lui a eu le droit de quitter le terrain dix minutes. On me dit : "Oui mais lui est dans les règles et pas toi". Et je réponds : oui mais moi je suis bon esprit et lui ne l'est pas. Ça compte, ça, à un moment ? Une fois, j'ai pris un warning avant le début du match car j'allais mettre mes serviettes aux quatre coins du terrain. J'ai dit à l'arbitre : "À part mettre de la mauvaise ambiance, il se passe quoi ? À part me dire que tu vas être un robot pendant cinq heures, c'est quoi le message que tu m'envoies ?" Les arbitres te répondent : "Moi je suis obligé, les superviseurs me mettent la pression..." À Rome, je me fais sanctionner parce que je prends trop de temps pour essuyer ma raquette qui vient de tomber dans la terre battue. Du coup, tout ça, ça t'énerve ! »